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dimanche 12 mars 2023

 Ça peut devenir compliqué, la « banque de papa »…

Dans le monde de la finance globalisée, les crises ont ceci d'intéressant que presque personne n'a prévu leur arrivée. Ce fait est même ce qui les caractérise. Dans une économie de marchés où l'on a l'habitude de spéculer sur tout, ce qui amène à essayer d'anticiper en permanence, le rééquilibrage entre ceux qui ont tendance à voir un verre à moitié plein et ceux qui ont tendance à le voir à moitié vide se fait en continu. La régulation se fait alors via l'ajustement des prix en fonction du niveau de risque perçu, et ce réajustement se fait en général plutôt en douceur.

La crise, la vraie, éclate lorsque que quelqu'un crie brutalement Au loup ! et que les marchés découvrent avec effroi un fait important que la grande majorité n'avait pas perçu. Le réajustement se fait alors brutal, parfois excessif. Cela permet à ceux qui arrivent à analyser vite et bien une situation de réaliser alors de très substantiels profits1.

Il est trop tôt pour savoir si la cessation d'activité de la Silicon Valley Bank (SVB) entraînera une crise financière majeure ou demeurera un épiphénomène. À l'échelle des États-Unis, la SVB était un établissement de taille modeste, mais à en croire son site web, elle était en relation avec la moitié des entreprises financées par le capital-risque aux États-Unis et sa déconfiture pourrait avoir un effet systémique sur un secteur dont le poids au sein de l'économie n'est pas négligeable.

Au risque de paraître blasé, je dis souvent à mes collègues plus jeunes avoir intégré très tôt dans ma carrière le fait que les crises financières internationales arrivent assez périodiquement. Elles peuvent survenir tous les cinq ou dix ans, et ce malgré tous les efforts des régulateurs pour que l'information financière devienne aussi précise et exhaustive que possible afin de permettre aux acteurs de s'ajuster en permanence.

Ce qui est par contre inhabituel aujourd'hui, c'est que jusqu'ici les crises étaient déclenchées par un événement sur les marchés de capitaux ou au sein d'une banque d'investissement. On ne peut qualifier ainsi la SVB, qui présente plutôt les caractéristiques d'une banque commerciale classique.

Dans ce secteur, les difficultés surviennent le plus souvent de mauvais choix en matière d'octroi de crédit ou de fraudes. Il ne semble pas que ce soit le cas pour la SVB. Et c'est avec beaucoup d'intérêt que je constate que les arides sujets "risque de taux" et "risque de liquidité", qui dans le passé m'avaient fait cogiter pendant pas mal d'heures, sont susceptibles chez certaines banques commerciales d'avoir des effets aussi brutaux, ce qui ne manquerait pas faire évoluer la doctrine en la matière.

Certes la SVB avait des caractéristiques qui lui étaient propres. Il y aura sans doute beaucoup de discussions autour du fait que ses dirigeants aient plaidé et obtenu des autorités que les établissements de leur catégorie ne soient pas soumis à des obligations sur le niveau des ratios LCR et NSFR.

En lisant les états financiers de la SVB, je me dis également que les régulateurs pourraient être amenés dans le futur à se poser des questions sur la manière d'affiner l'information concernant certains actifs (AFS et HTM), voire à envisager que ces actifs puissent être dans certains cas mobilisés en dehors des marchés financiers. Car le mélange entre les marchés et les "banques de papa" ne se passe pas toujours bien…


  1. J'ai envisagé d'écrire "de jolis profits", mais je sens que cela pourrait entraîner chez le lecteur un biais moral. ↩

Dernière mise à jour :
12/3/2023 22:17

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