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Étonnements rapides et durables

Vue imprenable des bas-cotés de la planète, à Antananarivo.

dimanche 30 mars 2003

[ 22:05:50 ] Le pacifisme nous sature

Pour ne pas changer, j'avais décidé de vous faire bailler... mais pour une fois, je voulais vous endormir avec le DSRP plutôt qu'avec George W...

Le DSRP, cette bête étrange dont la plupart d'entre vous ont encore moins entendu parler que des lémuriens, consiste à imaginer qu'en dix ans, on puisse ramener la proportion des malgaches vivant en dessous du seuil de pauvreté de 75% à 35%, et à se donner un plan de travail gouvernemental en ce sens pour les trois années à venir.

Certains diront que c'est aussi réaliste que d'imaginer que les habitants d'Anjouan acclament l'armée malgache si l'idée nous prenait de leur amener notre conception de la liberté, mais il est quand même réconfortant de voir que de temps à autres, on pouvait se fixer des objectifs ambitieux au pays du moramora...

Donc j'allais vous parler de ça, et puis, voilà que le site du gouvernement malgache nous ramène à notre sujet obsessionnel du moment :

usa,uk and allied country must stop the war on the world. we want peace.

PEACE! PEACE! PEACE! PEACE! PEACE!

Comme un vulgaire site moyen-oriental, celui du gouvernement malgache se fait defacer...

Aivy n'a pas pris suffisamment de précautions en choisissant son mot de passe, ou hack plus technique ? 


[ 5:34:19 ] Vous êtes bien sûr que la guerre se passe dans le Golfe arabo-persique ?

Parce qu'à force de s'entendre répéter que cette guerre est aussi et avant tout une guerre des images, les doux chuintements des caméras Betamax SP et des magnétoscopes DV Pro dans les salles de rédaction de Fox News, Iraqi TV et Al-Jazira se mettraient à ressembler à des claquements de bottes.

Du coup, le moindre rédacteur en mal de copie (je ne m'exclue pas du lot) peut remplir quelques bobines ou quelques feuillets sur la scrutation des monts et des vallées peuplant le nombril de ses collègues (faut-il le préciser ? au sens figuré seulement, on est à la télé et en prime time, là où la violence ne fait pas ciller mais où un brin d'érotisme risquerait de fâcher les nouveaux croisés).

Je ne suis pas sûr que le journaliste qui parle des journaux soit à terme beaucoup plus digeste que le blogueur qui parle des blogs.

Du coup, je tombe dans un furieux conservatisme, en me disant...

... qu'il était une époque où ce nombrilisme public était le privilège du carnetier, du moins celui en tenue civile, car le militaire lui avait plutôt tendance à la jouer John Wayne, sauf les retraités et ceux restés à l'arrière qui pouvaient avouer avoir du mal à digérer tout ce qui ne ressemblait pas aux rations C.

... qu'il était aussi une époque où les images de la réalité de la guerre étaient statiques, où la crainte de tout montrer passait loin derrière l'incapacité à tout montrer.

... qu'il était encore une époque où la Convention de Genève paraissait simple et n'était pas invoquée à tout bout de champ.

... qu'il était également une époque où aucun chef militaire de haut rang n'aurait baissé sa garde face à un journaliste, où le troufion se battait au lieu de risquer de se faire interviewer sur ses envies de repos du guerrier.

... qu'il était par ailleurs une époque où quand on aimait, on ne comptait pas et on le disait avec des fleurs sans recours au maquillage hollywoodien.

... qu'il était enfin une époque où le choix d'un cadrage, d'une focale, d'un montage passait pour anodin, où nos regards n'avaient pas été éduqués à prendre une distance critique par rapport aux images, où on croyait que les guerres se gagnaient uniquement sur les champs de bataille et pas dans les marchés.

C'était la belle époque où je ne ressentais pas de tragique pénurie de synonymes au mot "aussi". 




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© 2003 Barijaona Ramaholimihaso
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